IA : Génie régénératif ou ogre énergétique ?

July 2, 2025
Et si la vraie question n’était pas « pour » ou « contre » l’IA… mais « comment » la mettre au service du vivant ?

L’autre soir, je relisais l’article de Christophe Sempels publié dans la Harvard Business Review 2023 sur l’entreprise régénérative. Un terme a retenue mon attention : right-techs – ces technologies « pertinentes, sobres et tournées vers la régénération » qu’il recommande de privilégier, aux côtés de l’éco-conception et de l’économie circulaire, pour « réduire les impacts négatifs aux seuils incompressibles ».

Instantanément, les vingt-cinq années que j’ai passées à embrasser les révolutions du digital ont défilé : le mobile, le social, l’influence… Et maintenant l’IA, arrivée comme une déferlante, aussi fascinante qu’énergivore. Entre la promesse de modèles climatiques ultra-précis et l’ombre portée de data-centres affamés d’électricité et d’eau, le dilemme ne cesse de grandir.

Quand l’IA joue le rôle de levier régénératif

Elle peut, d’abord, nous aider à voir plus grand que le carbone. En agriculture de précision, par exemple, le machine-learning croise météo, pédologie et images satellites ; résultat : les semis sont lancés au moment exact où le sol est le plus réceptif, et jusqu’à 30 % d’eau d’irrigation sont économisés, tout en laissant davantage de place aux pollinisateurs.

Elle nous permet aussi de décoder le vivant en temps réel : dans les forêts tropicales, des réseaux d’IA analysent des chants d’oiseaux pour détecter les premiers signaux de déforestation ; l’alerte part avant même qu’une tronçonneuse ne résonne.

Enfin, couplée à l’IoT industriel, l’IA boucle les boucles : vibrations anormales, surchauffe, micro-fuites… tout est détecté assez tôt pour réparer plutôt que remplacer. On prolonge la durée de vie des équipements et l’on applique concrètement le principe « Être circulaire par design » cher au référentiel régénératif.

… mais l’addition écologique reste (trop) salée

Derrière les lignes de code se cachent des mégawatts bien réels. L’Agence internationale de l’énergie estime que, sous l’impulsion de l’IA, la consommation mondiale des data-centres pourrait dépasser 945 TWh en 2030, soit un peu plus que l’électricité utilisée aujourd’hui par tout le Japon iea.org.

La ressource en eau n’est pas épargnée : une seule session d’entraînement d’un modèle de type GPT-3 peut vaporiser près de 700 000 litres d’eau douce pour le refroidissement des serveurs arxiv.org.

Et puis il y a l’effet rebond : en rendant un procédé plus efficace, on le rend souvent plus attractif et l’on dope, sans le vouloir, la consommation totale – un piège que l’on peut anticiper en intégrant le vivant dans nos modèles économiques”

Vers une IA à visée régénérative

Concrètement, cela passe d’abord par la sobriété by design : entraîner des modèles légers, n’activer que les paramètres strictement nécessaires et exécuter l’inférence au plus près du besoin, plutôt que de convoquer systématiquement d’énormes architectures. Mais la technique ne suffit pas ; il faut aussi éduquer les gens à distinguer l’usage pertinent du recours de confort. En d’autres termes : réserver la puissance des grands modèles aux problèmes complexes et, pour le reste, cultiver la parcimonie numérique plutôt que la requête réflexe.

Vient ensuite l’ancrage énergétique : alimenter les serveurs en renouvelables et valoriser leur chaleur pour chauffer des serres ou des quartiers. En Finlande, le supercalculateur LUMI – pensé dès l’origine pour l’entraînement de modèles IA et le HPC – tourne à 100 % d’hydroélectricité et réinjecte sa chaleur dans le réseau urbain : jusqu’à 20 % des besoins annuels de chauffage de la ville de Kajaani sont couverts, sans brûler le moindre combustible fossile csc.fisigma2.no. À Phoenix, de l’autre côté de l’Atlantique, un data-centre Azure fonctionne en quasi-circuit fermé : eau grise municipale filtrée, refroidissement adiabatique, puis réinjection dans la station d’épuration. Un même litre circule ainsi plusieurs fois avant de s’évaporer – preuve qu’une ressource pompée peut (et doit) être valorisée jusqu’au dernier degré.

Ensuite vient la mesure multi-capitaux : carbone, bien sûr, mais aussi eau, biodiversité, matières critiques. Sans cet inventaire, impossible de savoir si l’on avance. Les premiers rapports « Triple Materiality » de Google ou OVHcloud montrent la voie ; ils restent incomplets, mais ils existent et fixent un standard.

Le débat, finalement, n’est pas technologique ; il est stratégique et philosophique. L’IA ne sera régénérative que si nous la guidons avec cette boussole : le vivant d’abord, la performance ensuite. À nous – dirigeants, marketeurs, innovateurs – de tracer ce chemin.

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